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dimanche 20 juin 2010

1930 - 1943 : la Década Infame

A l'aube des années 1930, l'Argentine est donc un pays relativement industrialisé, urbanisé et moderne, très en avance sur ses voisins sud-américains.
Cet âge d'or s'effondre avec la crise des années '30 : le repli protectionniste dans les pays développés, la brusque diminution des importations, la débacle du système international du commerce et des paiements frappent l'Argentine de plein fouet.
Cette crise remet brutalement en cause le modèle de l'économie agroexportatrice qui avait assuré jusqu'alors sa propérité. C'est aussi la fin de l'hégémonie politique de l'oligarchie des grands propriétaires fonciers, car la crise mondiale déplace par la force des choses l'axe de l'accumulation et des investissements vers le marché intérieur, favorisant ainsi l'apparition de nouveaux acteurs sociaux.

La crise secoue la société toute entière. Chômage, cherté de la vie, pauvreté, affrontement avec les compagnies pétrolières déstabilisent le gouvernement du président Yrigoyen (Union Civique Radicale) alors au pouvoir et font apparaître l'ombre d'un coup d'état.
Le 6 septembre 1930, l'armée renverse le gouvernement, ne rencontrant aucune résistance. Cette date clôt une période de l'histoire argentine. L'armée intervient, remplacant dans un certain sens la faiblesse des institutions et de la classe dominante. Elle apparaît pour la première fois comme un veritable parti politique, un acteur incontournable qui ne quittera plus la scène politique avant longtemps.

Le général Uriburu

A la tête des militaires putschistes, le général Uriburu rêve d'un "nouvel ordre patriotique" et d'un "Etat fort pour sauver la patrie". Il sert un secteur de l'oligarchie nourri par les "valeurs hispaniques" de la période coloniale (famille, tradition, religion) et par le nationalisme type Mussolini. La différence avec le fascisme européen est importante. Il convient de souligner quelques traits du nationalisme argentin de l'époque. Il est antiplébéien, antilibéral et anticommuniste. Il est caractérisé par la haine des immigrants, des luttes sociales, des syndicats, de la laïcité et du socialisme. Il méprise aussi les masses populaires et glorifie l'armée. Ainsi, la dictature d'Uriburu s'élève contre l'internationalisme des anarchistes et des communistes (avec l'équation étranger = subversif), mais les investissements étrangers sont les bienvenus ! Les hommes de l'oligarchie reviennent au pouvoir : tous les ministres (à part deux ou trois) sont liés à diverses entreprises capitalistes nord-américaines. En fait, le modèle idéal sont plutôt les Etats-Unis que l'Italie fasciste.

Le coup d'état du 6 septembre

Le gouvernement décrète l'état de siège et réinstaure la loi martiale. Une répression brutale se déchaîne contre le mouvement ouvrier. La violence policière s'installe pour longtemps et sera désormais une caractéristique de l'Argentine.
Très rapidement la situation se dégrade. En 1931-1932 le chômage sévit dans le contexte d'une crise généralisée. Le général Uriburu se voit contrain de céder à la pression du mécontentement populaire et convoque des élections présidentielles.
Cet épisode de l'histoire entraîne une conséquence fondamentale : un courant idéologique nationaliste qui marquera pour toujours l'évolution historique argentine.

Le 20 février 1932, le général Justo accède à la prédidence. Il y mène une politique favorable à la grande bourgeoisie agraire avec une orientation pro-britannique très prononcée : dévolution des transports publiques aux compagnies anglaises, importations détaxées des marchandises de provenance britannique... Cette politique contribue à produire une réaction nationaliste, spécialement dans la génération plus jeune qui allait peser dans les faits de la décennie suivante.
La crise à la campagne renforce l'exode rurale. Les ouvriers agricoles et les artisans de l'intérieur à la recherche de meilleures conditions de vie s'en vont grossir les villes (essentiellement Buenos Aires) et fournir la main-d'oeuvre nécessaire à l'industrialisation. L'immigration interne, l'urbanisation et la formation des grands quartiers ouvriers modifient profondément la structure de la cité traditionnelle. La ville de Buenos Aires change ainsi de physionomie avec l'arrivée de ces nouveaux migrants qu'on appelera plus tard les cabecitas negras (petites têtes noires). La diminution du niveau de vie des secteurs populaires est considérable.
Dans cette atmosphère s'amorce un processus d'unification de la classe ouvrière, de formation des syndicats et des organisations, ainsi qu'une expérience sociale et politique très forte.
Un profond ressentiment populaire contre les groupes dirigeants et un septicisme politique généralisé déplace l'activité politique des masses sur le terrain de la lutte sociale. Il ne manquait qu'une occasion favorable pour que cette nouvelle attitude se manifeste.
Cette occasion est arrivée après la révolution militaire de 1943.

2 commentaires:

  1. eh ben, ça bosse ! Racontez nous aussi un peu votre quotidien, est-ce que vous travaillez toujours à la garderie, ou est-ce terminé ?
    bises
    Elisabeth

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  2. Mêmes attentes que l'interlocutrice précédente...
    Et pourtant, je suis ravie de découvrir toute cette histoire que j'ignorais totalement, mais qui éclaire si bien votre réalité quotidienne
    bises françoise

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